mardi 12 mai 2015

Stage 2ème année Bac en adaptation scolaire : quelques notes...


Voici une sélection de commentaires que j'ai adressés aux étudiants accompagnés durant le stage  ASM2405 hiver 2015 :  l'attention des élèves - l'autorité et l'amitié - du désir de savoir au plaisir d'apprendre - trouver son style pédagogique - ce qui (nous) trouble (dans) les comportements - médication et contention: le médecin et le pédagogue - l'enseignant saura-t-il être un adulte fiable ?

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On peut aussi consulter les commentaires des stages précédents : ICI et


Dans votre journal réflexif, vous vous êtes intéressée  à la question de l'attention des élèves. La sensation que l'on peut avoir qu'ils sont inattentifs voire momentanément ou durablement incapables d'attention est multifactorielle. Bien souvent, ce sont des facteurs sur lesquels l'enseignant n'a pas de prise (dispositions intrinsèques psychologiques, contexte familial, social... ) Il importe donc de se concentrer sur le contexte sur lequel on a de la maîtrise, c'est à dire celui de sa classe. C'est là que vous développerez un savoir faire favorisant l'attention, c'est à dire au fond la mobilisation, et donc les apprentissages des élèves. Vous avez aussi travaillé à l'établissement d'une bonne qualité de relation personnelle avec chaque élève. Vous avez constaté avec lucidité que ce n'est pas facile. Aux préconisations que vous avez relevées, on peut ajouter celle qui consiste à s'intéresser à leur rapport aux savoirs et aux apprentissages. Quelles sont en ce domaine leurs attentes, leurs craintes, leurs difficultés....? Les associer comme partenaires dans la compréhension de leur propre situation, c'est leur permettre de prendre confiance dans la qualité de votre accompagnement. Cela vous a amenée aussi à examiner la question de l'autorité au regard de l'amitié que vous souhaiteriez spontanément établir avec les élèves. Peut-être que le terme d'amitié ne convient pas totalement à la relation pédagogique, pas plus d'ailleurs que la relation d'autorité.  En effet, elle risquent toutes les deux de conduire à une dépendance - douce ou dure - qui est contradictoire avec le projet émancipateur de l'éducation. Ce paradoxe fondamental doit rester central tout au long d'une carrière d'enseignante. Il n'a pas de solution, mais avec de la lucidité, il s'actualise le mieux possible dans chaque nouvelle situation.

Votre journal réflexif commence par aborder le thème des transitions entre les différentes activités de la classe. Vous envisagez des pistes d'action très à propos et débouchant sur une généralisation possible lorsque vous serez en responsabilité d'une classe  à l'année.  Vous vous intéressez ensuite à la nécessaire variété des modalités pédagogiques pour endiguer l'ennui et le désintérêt des élèves. Vous avez raison, c'est une question importante qui est trop souvent remise à la charge des élèves par l'invocation de leurs propres limitations. Or, l'inventivité pédagogique minutieusement adaptée au projet d'apprentissage est de la responsabilité de l'enseignant. Je ne sais pas si cela peut être toujours envisagé sous l'angle de l'amusement, mais il est certain qu'il faut se donner les moyens d'aider les élèves à passer du « désir de savoir » au « plaisir d'apprendre ». Cela passe par l'émotion particulière de la joie qui se distingue de l'amusement par sa profondeur, sa durée et finalement quelque chose de sérieux ! Sur la 3ème thématique, celle de l'élève perturbateur, vous avancez des pistes d'action qui sont toutes intéressantes mais ne sont pas de même "niveau". En effet, il y a parmi elles des choses à faire "dans l'immédiat" parce qu'il faut reprendre le contrôle de la classe et d'autres qui sont à conduire sur du long terme parce qu'elles ont une véritable ambition éducative, laquelle ne s'accomplit pas instantanément. Dans votre analyse suivante, vous évoquez justement des actions à plus long terme comme l'établissement des règles de vie de la classe avec les élèves; vous vous orientez ainsi vers ce qu'on appelle la pédagogie institutionnelle, ce que je vous encourage à poursuivre. Vous concluez sur les perspectives de votre future vie professionnelle avec beaucoup de bonnes idées. Dans ce métier qui est avant tout un art, avant d'être une technique, on n'en finit jamais de se perfectionner, c'est ce qui en fait le charme... et la difficulté !

Dans votre analyse réflexive de la première semaine vous abordez le thème du soutien à apporter aux élèves pour l'appropriation des règles d'orthographe grammaticale.  Une piste supplémentaire à explorer serait celle qui envisage de mettre à la disposition des élèves des ressources pour améliorer leurs texte (dictionnaires, grammaires...) et de leur apprendre à les utiliser efficacement et d'une manière critique. Dans la deuxième analyse, vous abordez la question de votre manière d'enseigner et le stress que vous éprouvez. Vous constatez à juste titre qu'un bon enseignement repose sur une préparation minutieuse mais qu'il doit laisser aussi un peu de place à l'adaptation aux circonstances. J'ajouterais qu'il ne faut pas oublier que l'enseignant doit parfois cesser d'enseigner pour que les élèves apprennent, c'est à dire qu'il faut envisager l'activité des élèves comme modalité d'apprentissage. En conclusion, vous évoquez avec beaucoup de franchise et de lucidité les difficultés que vous avez rencontrées dans la gestion de classe. Vos pistes de résolution sont intéressantes et appropriées. Elles témoignent de votre démarche de construction progressive de votre "style pédagogique". Il y faudra bien sûr du temps, bien au-delà d'un stage et quoi qu'il en soit, de la souplesse pour le réinterroger sans cesse dans chaque nouveau contexte.

Dans votre journal réflexif, la gestion de classe occupe une grande place et vous évoquez avec franchise les difficultés et les émotions que cela vous a amené à vivre. Bien des éléments ne peuvent être parfaitement maîtrisés dans le bref délai d'un stage et du fait de votre inexpérience. Cela viendra. Je pense qu'avant même de chercher dans des dispositifs de contention les remèdes aux écarts de comportement des élèves, il faut commencer par chercher à les interpréter, ce qui ne veut pas dire excuser, mais tenter de comprendre ce que leurs gestes signifient alors qu'ils n'ont pas l'élocution suffisante pour le dire. A cet égard, on peut interroger l'expression "élèves ayant des troubles du comportement" pour se demander "qu'est-ce qui trouble leurs comportements? par quel élément contextuel leur comportement est-il troublé ?" . Une autre piste consiste - sur du long terme - à les associer à la construction raisonnée de l'espace social et institutionnel de la classe afin qu'ils s'en sentent responsables et pas seulement prisonniers.

Dans votre journal réflexif, vous vous intéressez à bon droit au thème du questionnement des élèves. Aussi trivial que cela puisse paraître, c'est une compétence cruciale pour comprendre ce que les élèves comprennent et comment ils le comprennent afin d'intervenir adéquatement pour les soutenir. Vous constatez avec plaisir qu'en mettant en oeuvre les stratégies que vous aviez prévues, vous progressez dans cette compétence. Au fil du temps, vous la développerez et vous pourrez aller jusqu'à animer des interactions entre les élèves favorisant leurs prises de conscience métacognitives. Ensuite, en semaine deux, vous évoquez les relations enseignante-élèves bâties sur la connaissance réciproque. C'est effectivement important de donner une place authentique aux relations humaines, dans le respect évidemment de la confidentialité. Vous observez à juste titre combien ces bonnes relations sont un terreau fertile pour les apprentissages car ils donnent confiance aux élèves dans le fait qu'ils sont avant tout reconnus comme des personnes. Votre troisième thème est celui de l'anxiété que vous avez repérée chez certains de vos élèves. Il est incontestable qu'elle doit entraver leurs apprentissages et que l'école ne devrait pas être un lieu anxiogène. On peut, comme vous le faites, s'interroger sur les moyens d'endiguer ce qui est vu comme une pathologie dont les élèves seraient porteurs. Cela ne doit pas empêcher de nous interroger sur les conditions de fonctionnement d'un système scolaire qui l'engendre par sa sélectivité. Dans la classe, cela revient à la question de savoir comment en faire "un espace hors menace" propice à la coopération.  Vous prolongez d'ailleurs cette réflexion dans ce sens la semaine suivante en vous interrogeant sur la médication des élèves utilisée comme moyen de contention. Chacun son rôle, médecin ou pédagogue, c'est vrai, mais celui du pédagogue est d'adapter sa pédagogie aux élèves et non l'inverse. Je vous invite à garder cette vigilance.

Votre journal réflexif témoigne de l'intensité de vos réflexions faisant le lien entre les pratiques favorables à une bonne gestion de classe, l'établissement de relations interpersonnelles positives et propres à soutenir l'engagement des élèves ainsi que la question centrale d'une bonne pédagogie proposant des apprentissages signifiants aux élèves. Vous avez vu que l'alchimie liant ces composantes est délicates, en particulier avec des élèves que les hasards de la vie n'ont pas ménagées. On voit bien à travers votre rapport que ces jeunes filles ont besoin d'identifier avec certitude à qui et à quoi elles peuvent se fier, étant donné les expériences diverses de "trahison" qu'elles ont pu avoir. L'adulte qui se porte à leur rencontre est-il (elle) fiable ? Il leur faut le tester, et c'est parfois rude ! Le fonctionnement institutionnel de la classe, de l'établissement et pour finir, de la société, est-il fiable ? Protège-t-il vraiment dorénavant alors qu'il a semblé auparavant trahir ? Y a-t-il une justice et une permanence possible des rapports sociaux ?  Est-il possible de coopérer sans risquer d'être victime ? ... toutes ces questions et bien d'autres sans doute les hantent. Ce ne sont pas des questions auxquelles des techniques seules peuvent répondre. Il y faut des adultes qui s'engagent, qui se portent garants. Parmi eux, les enseignant(e)s sont souvent en première ligne. 

Votre journal réflexif témoigne de deux objets de réflexions essentiels : d'une part des questions pédagogiques et didactiques (calcul mental, orthographe) d'autre part, la gestion de classe. Vous allez pouvoir maintenant faire le lien entre les deux car l'un ne va pas sans l'autre. Il n'y a pas de bonne gestion de classe possible qui ne s'appuie sur une pédagogie et une didactique qui donnent envie d'apprendre aux élèves.

Vos élèves ont certes leurs difficultés, mais sur quoi allez-vous pouvoir vous appuyer pour leur enseigner ?  pas sur leurs carences. Je vous invite à quitter la vision défective que vous avez d'eux et de leurs familles sur lesquelles vous portez des jugements assez défavorables qui n'aideront pas à améliorer la situation. Que savons-nous de la vie de ces parents, de ces mères le plus souvent, qui sont aux prises avec la misère sociale, le mal-logement, des souvenirs douloureux de leur propre scolarité... ? Comment  l'école va-t-elle faire pour leur signifier qu'elle respecte leur dignité et qu'ils-elles sont invité(e)s à un partenariat exempt de jugement?

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